Il y a un an, nous nous interrogions déjà à l’occasion du 8 mars, journée des droits de la femme, sur le rapport entre genre et capital. Alors que la tendance d’une (lente mais inéluctable) révolution se confirme quant à la présence des femmes dans les sphères financières économiques, l’égalité n’est pas encore au rendez-vous. Y compris sur notre plateforme.
Aujourd’hui, comme depuis plusieurs décennies, l’économie se pense sans les femmes (seulement 1% des interventions médiatiques sur les thématiques économiques étaient faites par des femmes) et se fait sans les femmes (qui ne représentent que 7% des postes de directeurs financiers), chiffres de l'Observatoire de la parité dans la presse française à l'appui. Une invisibilisation systémique démontrée par les chercheuses Céline Bessière et Sibylle Gollac dans l’ouvrage Le genre du capital, publié en 2019 : « Le capital au XXe siècle reste résolument masculin ». Preuve en est : de récentes études du mouvement Weinvest et du réseau Femmes Business Angels indiquent respectivement que 33% des femmes disent se sentir suffisamment en confiance pour investir et 10% des business angels sont des femmes.
Sur LITA.co, la croissance est portée par les femmes
Au sein de la communauté LITA.co, c’est désormais 35% des investisseurs qui sont des femmes, soit une progression de 4% par rapport à l’année dernière. Plus globalement, le baromètre 2021 du financement participatif de Mazars indique qu’elles étaient 29% à avoir investi sur les plateformes de crowdfunding, soit +9% en un an. Une dynamique constatée jusque dans la croissance de notre communauté, avec des investissements réalisés par des femmes qui ont bondi de 67% (contre 49% pour les hommes). Une année 2021 où les femmes ont résolument franchi le pas de l'investissement. Néanmoins, la dynamique s'inverse sur les volumes et capacités à investir. On note un écart de 22% du montant moyen du portefeuille d'investissements par personne à la défaveur des femmes (2 000€ contre 2 800€) et sans grande surprise, les investisseurs féminines ne représentent encore que 26% des montants totaux investis en 2021 sur notre plateforme.
Autre fait marquant, que nous relevions déjà l’année dernière : ce sont les femmes de 25 à 35 ans qui sont le plus représentées. Un signe que les nouvelles générations s’affranchissent plus des stéréotypes pour reprendre le pouvoir sur leur argent ? C’est en tout cas ce que laissent penser les chiffres de l'étude 2020 "Managing the Next Decade of Women's Wealth" du cabinet BCG : 70% des femmes de la génération Y affirment gérer leurs finances en autonomie contre 40% pour celles issues du baby-boom.
Plus d'entrepreneuses égal plus d'investisseuses
Loin d’une simple intuition "au doigt mouillé", c’est dans la réalité de nos levées de fonds que cette réappropriation du capital par les femmes se déploie. Alors qu’elles représentent 24% des investisseuses dans les entreprises fondées uniquement par des hommes, les femmes pèsent 32% dans les entreprises aux équipes mixtes et 35% en cas d’équipe 100% féminine.
Mieux encore : deux entreprises ont atteint et même dépassé l’égalité tant convoitée parmi leurs actionnaires. Ainsi, la marque de mode collaborative Atelier Unes a réuni 56,4% d’investisseuses et le traiteur engagé Meet My Mama en comptabilise 54,5% dans ses rangs. Comment analyser ces exceptions ? Il est intéressant de relever qu’en plus d’incarner un leadership renouvelé, c’est l’activité même de ces deux entreprises qui se démarque : elles sont engagées avec les femmes et pour les femmes, dans une logique d’empowerment. Une orientation qui se reflète, en toute logique, dans leurs communautés.
Dès lors, le financement participatif plante les graines d’un réel changement : les entreprises engagées autour d’un leadership féminin avec des communautés plutôt féminines peuvent à travers leurs levées de fonds communautaires participer à leur émancipation économique et financière en faisant d'elles des investisseuses nouvelle génération !
Patine : la campagne qui a cassé les codes
Parmi nos entrepreneurs (ou plutôt entrepreneuses !), Charlotte Dereux se démarque particulièrement. Avec Patine, qu’elle fonde en 2017, elle assume de porter une entreprise de mode consciente, "nouvelle formule" au vestiaire féminin. Alors que la marque connaît historiquement une croissance 100% autofinancée, Charlotte a fait le choix en 2021 d’ouvrir son capital à ses client·e·s via notre plateforme avec l’ambitieux pari « de pousser l'investissement par des femmes, largement sous-représentées dans le monde de l'actionnariat ». Pari plus que réussi pour l’entrepreneuse qui exprime la fierté de ce tour de force depuis la première marche de notre podium des levées de fonds où les femmes ont renversé les règles du jeu.
Grâce à notre campagne de financement sur LITA.co, nous comptons désormais 531 actionnaires Patine dont 71% de femmes. On explose la moyenne en France, autour de 5% ! Quelle fierté !
— Charlotte Dereux, fondatrice de Patine
À l’instar d’Anne, 46 ans, qui confirmait avoir investi dans Patine par « envie de soutenir une entreprise de femmes », la démarche semble avoir fait écho auprès de 378 investisseuses de 19 à 73 ans.
Un nouveau leadership, entre féminisme et pop culture
Que ce soit sur son compte Instagram ou dans son studio-showroom, la communication de Patine, “quelque part entre la nostalgie de l'insouciance des 80's et l'utopie d'un futur où on aura maté le réchauffement climatique”, donne le ton. Son esthétique à la fois vintage et résolument moderne est malicieusement saupoudrée de références popculturelles, de Madame est servie à Beverly Hills 90210. Alors quand Charlotte Dereux ouvre le capital de la marque dont le jean s’appelle Brenda et la chemise Tony, ce n’est pas à l’imaginaire de l’investisseur traditionnel qu’elle fait appel.
Cet univers rétro, qui a été un réel atout pour fédérer une communauté fidèle et engagée autour de la marque, fait d’autant plus ses preuves quand Patine ambitionne d’embarquer sa communauté dans son aventure entrepreneuriale. La journaliste Jennifer Padjemi le précise dans son ouvrage Féminismes & pop culture paru en 2021, la première étape pour bousculer les imaginaires et bouleverser les habitudes, c’est de répondre à un enjeu de représentation et d’identification. Avec Patine, exit le trader pressé en costume-cravate, place à la "girl boss” qui endosse son costume (ou ici le tailleur) d’actionnaire et ses ailes de business angel. Eva Sadoun, co-fondatrice de LITA.co, l’affirme dans une tribune publiée ce 8 mars : “Une économie progressiste c’est une économie qui ne s’offusque pas devant de nouvelles formes de représentation.”
Entrepreneuses et investisseuses : la recette gagnante ?
Dédié à la réduction des inégalités de financement entre hommes et femmes qui entreprennent (en 2021 les équipes 100% féminines ont été 4,3 fois moins financées que les équipes masculines), le collectif Sista relève dans son dernier baromètre en collaboration avec BCG que “l’augmentation de la part d’équipes mixtes est tirée par une évolution positive du comportement de financement”. Comprenez : les équipes avec des fondateurs mixtes ont 1,4 plus de chance d'être financées. La raison ? Le cabinet McKinsey la donnait déjà en 2016 dans une étude démontrant que les entreprises qui possédaient une gouvernance mixte obtenaient des résultats 48% supérieurs à ceux des entreprises exclusivement masculines.
On peut espérer dans les prochaines années une croissance continue de représentation des femmes dans l’entrepreneuriat et ainsi peut-être plus de femmes qui investissent (à l'image de la communauté LITA.co) ? Au travers la dimension communautaire du financement participatif, il semble capable de redistribuer les cartes pour créer un cercle doublement vertueux entre femmes entrepreneuses et femmes investisseuses.